Vous pouvez voir le film d'Alain de HALLEUX sur les nomades du nucléaire, comme vous le verrez, sachez que des copains d'ENDEL ont participé à ce film qui nous fait découvrir la face cachée de leurs conditions de travail.
A voir absolument....
Le 12 mai à 23h00 sur ARTE a été diffusé le film du cinéaste Alain De HALLEUX : "R.A.S – NUCLEAIRE - RIEN A SIGNALER".
Cette création n’est pas une œuvre de la CGT, elle interpelle les citoyens en donnant la parole aux salariés du nucléaire qui produisent de l’électricité, notamment ceux de la sous-traitance.
Comme l’ensemble de la société, le nucléaire est malade de la rentabilité financière
Ces témoignages et alertes de salariés ou de syndicalistes (au risque scandaleux et inacceptable de perdre leur emploi) sont édifiants de sincérité et révèlent de nouveau au grand jour ce que la CGT dénonce depuis des années :
- C’est l’ensemble du parc nucléaire qui est malade de la politique de profit et de baisse des coûts des directions (réduction des volumes de maintenance, diminution des effectifs, externalisation des activités, marchés de la sous-traitance au moins disant social, etc.).
- C’est l’ensemble des salariés (Prestataires et Agents EDF) qui en subissent les conséquences par une dégradation de leurs conditions de travail qui génère inévitablement un affaiblissement des conditions d’exploitation et de maintenance des installations.
Les agents EDF qui tentent de s’opposer à ces logiques destructrices sont menacés de mise au "placard", de blocage de déroulement de carrière, voire de harcèlement moral. Quant aux salariés prestataires, ils sont le plus souvent victimes d’interdits professionnels (licenciés ou privés de badges d’accès sur les sites nucléaires).
Une dégradation de la situation qui s’aggrave
Depuis l’émission télévisuelle "La Marche du Siècle" du 18 juin 1997 sur les nomades du nucléaire, à laquelle avait contribué la CGT, la situation s’est encore aggravée.
Du côté des 20 000 agents EDF des 19 centrales du parc électronucléaire, c’est en dizaine que l’on compte ceux qui se sont donnés la mort, comme à Chinon, Paluel, Penly…et combien de milliers qui sont en souffrance au travail, pour de multiples raisons : dépassement habituel de la durée légale maximale du travail (ou travail emmené à domicile) pour cause de sous-effectifs, sentiment de ne pas pouvoir réaliser correctement son travail pour cause de manque de moyens et de restriction budgétaire (couramment, lorsque des services programment leurs demandes budgétaires pour l’année suivante en fonction du respect des prescriptions pour assurer une maintenance ou une exploitation normale des installations, on leur demande de diminuer leurs besoins, parfois jusqu'à 50 % !), manque de reconnaissance professionnelle, peur de devoir se "reconvertir" car son emploi risque d’être externalisé, le dégoût que leur inspire la politique des directions EDF envers les salariés prestataires, etc.
Du côté des 22 000 salariés prestataires qui les côtoient (et qui ne sont pas épargnés par les suicides), ils sont exposés a plus de 70 % des risques professionnels : doses irradiantes, produits CMR (Cancérogènes-Mutagènes-Reprotoxiques), maladies professionnelles et accidents de travail (trop souvent mortels). Ils sont très souvent rémunérés au rabais, les dépassements d’horaires légaux sont légions, ainsi que les week-ends passés loin de chez eux pour cause de déplacement au gré des arrêts pour maintenance des sites nucléaire (avec des indemnités pour voyager, se loger et nourrir, notoirement insuffisantes). Ils sont contraints à une précarité abjecte : CDI de 1 à 5 ans (en fonction de la durée des marchés passés par EDF), CDD, intérim, voire de perdre leurs emplois lorsqu’ils atteignent avant terme la "limite" annuelle de dose radioactive (l’exposition de ces salariés à de tels risques devrait leur garantir une sécurité d’emploi !).
Ces salariés sont menacés trop souvent de licenciement ou de conditions de reprise inacceptables (pertes de salaire, d’ancienneté, etc.), au gré des contrats de passation de marchés pluriannuels décidés par EDF. Cette dernière s’ingénie à contourner les législations nationales et européennes en vigueur afin de ne pas les maintenir dans leurs emplois et/ou dans leurs acquis, tout en rendant caducs les mandats de représentants du personnel et syndicaux, grâce au changement fréquent et par roulement des entreprises sous-traitantes ; EDF n’hésitant pas à signer des chartes avec ces entreprises pour court-circuiter les dispositions légales de reprise des salariés (article L. 1224-1 du Code du travail, l’annexe 7 de la Convention collective du nettoyage ou la Directive 2001/23/CE, par exemple).
Pratiquement à chaque renouvellement de marché, les salariés prestataires sont contraints à lutter de toutes leurs forces (voire au péril de leur vie, en cas de grève de la faim) pour maintenir leurs emplois, face a EDF, comme le montre le film a la centrale de Cruas-Meysse.
Cet exemple, parmi tant d’autres, est édifiant du mépris qu’EDF affiche vis-à-vis de ces salariés prestataires (et de leur famille) qui sont jetés comme de vulgaires "Kleenex" au gré des passations de marchés.
Pour preuve, la CGT avait alerté le Président d’EDF de cette situation par courrier en date du 27 septembre 2007. Celui-ci n’a jamais daigné nous répondre.
Une politique de la sous-traitance irresponsable et immorale
Bref, quand la direction d’EDF sous-traite dans le nucléaire les fonctions vitales pour l’entretien des installations (au motif que ce ne serait plus "le cœur du métier", c’est pour principalement externaliser les risques professionnels au moindre coût, ce qui est socialement et techniquement irresponsable et parfaitement immoral (en un peu plus de 20 ans, le taux de sous-traitance de la maintenance du parc nucléaire EDF est passé de 20 à 80 %). Pourtant, EDF se targue d’avoir signé, avec les partenaires sociaux, des accords sur la Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE), sur la sous-traitance socialement responsable ou bien a édicté des chartes visant l’amélioration de la stabilité ou le maintien de l’emploi des prestataires, on croit rêver !
La solution est pourtant simple, si EDF souhaite réellement maintenir l’emploi des salariés sur les sites nucléaires, elle doit assumer ses responsabilités industrielles et sociales, en réinternalisant les activités sous-traitées et en embauchant l’ensemble des salariés prestataires qui les réalisent. Par ailleurs, rien n’interdit à EDF, lors d’un appel d’offre pour un nouveau marché, de faire figurer une clause d’obligation de reprise de l’ensemble des salariés avec leurs acquis sociaux (ce qu’elle ne fait pas).
Les salariés prestataires du nucléaire qui interviennent sur les sites d’EDF, d’AREVA, du CEA peuvent dépendre de plusieurs dizaines de conventions collectives différentes (dont les plus connues sont : nettoyage, bureaux d’études, gardiennage, construction, métallurgie, etc.), alors qu’ils ont l’unique caractéristique dans le salariat de partager les mêmes habilitations fondamentales (avec les agents des maisons mères) :
- Habilitation médicale DATR (Directement Affecté aux Travaux sous Rayonnements),
- Habilitation prévention des risques radioprotection (PR1, PR2),
- Habilitation sûreté nucléaire.
- Habilitation préfectorale d’accès aux sites.
Pourquoi tous les salariés du nucléaire n’auraient pas le droit au même statut, aligné a minima sur ceux d’EDF, AREVA et CEA ?
Cette situation de présence d’une multitude de conventions collectives, pour un salariat exposé aux mêmes risques professionnels, est voulue et entretenue par un patronat qui s’est pourtant structuré en organisations professionnelles dédiées. Tout cela pour exacerber la mise en concurrence des salariés et obérer le transfert de leurs emplois et acquis sociaux, dans la stratégie du turn-over des passations de marché évoqué, ci avant.
Les pouvoirs publics, les employeurs sont placés devant leurs responsabilités : pour une sureté nucléaire optimale, il faut aussi améliorer les conditions de travail !
Comment garantir un niveau de sûreté optimal avec des salariés prestataires (et leur famille) vivant en permanence avec la peur du licenciement (voire de l’accident de travail ou de la maladie professionnelle), des entreprises pas vraiment encouragées à faire de la formation pour quelques mois de marché, et des agents EDF ayant peur de nouvelles reconversions à force de voir leurs actuelles activités risquées d’être sous-traitées ?
Aujourd’hui, tout tient encore, grâce au grand professionnalisme et à l’attachement des salariés (prestataires et EDF) pour leur travail, mais pour combien de temps encore avec le découragement qui s’installe, sachant que d’ici 2015, 40 % de ces travailleurs partiront à la retraite.
Pour la CGT, il faut définir des règles sur les modalités de recours à la sous-traitance dans le nucléaire, car la mise en concurrence des entreprises prestataires (donc leurs salariés) ne peut être opposable à l’intérêt supérieur : de sûreté radiologique et environnementale, de santé des salariés et des populations et de la sécurité industrielle.
Même la direction d’EDF, qui a refusé de témoigner dans le film, reconnaît pour la première fois dans un récent document (MOPIA) concernant la sous-traitance dans le nucléaire : des difficultés à attirer et fidéliser les salariés prestataires, des qualités d’interventions difficiles à maitriser, des compétences parfois défaillantes, un déficit de ressources, etc.
A plusieurs reprises ces dernières années, la CGT a interpellé M. SARKOZY (le Ministre, puis le Président de la République) sur ces questions, et notamment pour que les travailleurs prestataires bénéficient des mêmes droits sociaux que les agents EDF du nucléaire (plus de 10 000 signatures ont été apposées sur une pétition nationale en ce sens). Celui-ci s’y était engagé favorablement sur les centrales nucléaires de Chinon en 2004 (ainsi qu’au Parlement), Penly en 2007, Flamanville en 2009, à ce jour les salariés n’ont toujours rien vu venir ! Pire, le ministère de tutelle (Ecologie-Energie-Développement Durable), par un courrier en date du 27 avril 2009 en réponse aux alertes de notre fédération, affirme que les progrès réalisés sont substantiels !
Ceci est d’autant plus incompréhensible que l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) et la Direction Générale du Travail (DGT) ont publié le 28 avril 2009 une note commune rappelant notamment à AREVA, au CEA, et à EDF "l’importance des conditions de travail pour améliorer la sureté nucléaire et la radioprotection".
La CGT demande aux pouvoirs publics d’arrêter la politique de l’autruche concernant la dégradation des conditions de travail et d’exploitation des sites nucléaires, et de mettre en œuvre des négociations (ou une concertation) avec toutes les parties pour améliorer rapidement la situation, notamment en garantissant aux salariés prestataires du nucléaire un statut de haut niveau avec sécurité de l’emploi.
Montreuil, le 12 mai 2009