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STEEVE LECOMTE, VICTIME DU DUMPING SOCIAL…

Publié le par LA CGT COFELY ENDEL GDF SUEZ

Photo : Charly Triballeau/AFP

Photo : Charly Triballeau/AFP

Quatre ans après les faits, le tribunal de Nanterre entendait la société Endel à la suite du décès d’un salarié sur le chantier de l’EPR.

Une coïncidence troublante. Jeudi 11 juin 2015, 14 h 30, la société Endel, filiale de GDF Suez, comparaissait devant le tribunal de grande instance de Nanterre (Hauts-de-Seine) à la suite du décès de son salarié Steeve Lecomte sur le chantier de l’EPR. Quatre ans plus tôt, jour pour jour, heure pour heure, ce conducteur de travaux de 32 ans trouvait la mort en tombant de dix mètres de hauteur sur le site de Flamanville (Manche), tristement célèbre pour ses malfaçons et ses conditions de travail dégradées.

« Il y a eu un manquement à l’obligation légale de sécurité de la part d’Endel »

Le jour du drame, Steeve Lecomte remplaçait un collègue habituellement responsable de cette partie du chantier. Le jeune cadre comptait ensuite prendre des congés pour être présent à la naissance de sa fille. Au moment des faits, les ouvriers étaient en pleine préparation de manutention d’un tronçon de tuyauterie. Si le flou entoure toujours les circonstances de cette chute, sa mère, Sylvie Barrère-
Lecomte, martèle que son fils n’avait rien d’un casse-cou : « Il était très prudent. Quelques jours avant, je l’avais eu au téléphone, il m’avait dit qu’il ne “sentait pas” ce remplacement », explique-t-elle, la gorge nouée.

La semaine de l’accident, le salarié d’Endel avait travaillé comme un forçat. L’enquête de l’inspecteur du travail de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a relevé 61 heures et 14 minutes de présence hebdomadaire sur le site. Maître Karim Berbra, l’avocat de sa mère, renvoie à la responsabilité de son employeur. « Il y a eu un manquement à l’obligation légale de sécurité de la part d’Endel. Même les cadres au forfait doivent bénéficier d’un repos de onze heures entre deux périodes de travail. Or, les deux nuits précédant son accident, cela n’avait pas été respecté. »

Au contraire, l’avocate d’Endel, elle, n’hésite pas à reporter la faute sur le défunt cadre. « Monsieur Lecomte a supprimé les protections collectives de son initiative personnelle (…) Il n’a pas respecté les procédures. » Une version contredite par l’ASN : « La société Endel GDF Suez ne respecte pas de façon irréprochable la réglementation applicable aux travaux en hauteur, et l’écart qui a entraîné la chute mortelle de monsieur Lecomte ne peut pas être considéré comme un fait isolé ayant pour unique cause l’erreur d’une personne. »

L’Autorité de sûreté nucléaire a aussi émis des doutes sur « la fidélité des témoignages recueillis en ce qui concerne la situation de la trémie (le trou dans lequel est tombé Steeve Lecomte – NDLR) avant l’accident et l’origine du déplacement de l’échafaudage. Les deux salariés affectés (…) ne parlant que très peu le français, il n’est pas impossible que les consignes données par la victime aient été mal comprises. » À l’arrivée de l’inspection sur les lieux du drame, les protections de sécurité étaient en place. Pour l’ASN, « il n’est pas impossible que la chaîne et la barrière aient été rajoutées après l’accident ». Une chose est sûre pour l’Autorité : « Monsieur Lecomte était attentif à la sécurité et, en tant que responsable d’une partie des activités Endel, faisait régulièrement des rappels sur les règles de sécurité de ses équipes. »

En 2011, période des faits, la construction de l’EPR, censé être le fleuron des réacteurs d’Areva, a déjà pris du retard. La pression est forte pour tenir les délais. La situation devient atomique sur le chantier. Le 24 janvier, un soudeur trouve la mort en chutant de 18 mètres. Le 11 juin, c’est Steeve Lecomte qui perd la vie. Puis un salarié d’Areva décède le même mois dans un accident de voiture après son service.

Dans la foulée, un rapport de l’ASN, publié dans l’Humanité, avait révélé les pratiques de sous-déclaration des accidents du travail. Entre juin 2010 et février 2011, 34 accidents du travail n’avaient pas été signalés à la Sécurité sociale. L’affaire de la fraude aux cotisations sociales, via le travail détaché de Polonais et de Roumains, avait ensuite éclaté au grand jour. Des accidents mortels, des infractions au Code du travail à la pelle, des ouvriers traités comme du bétail… L’EPR incarne les dérives de la sous-traitance en cascade (Endel était ici sous-traitant d’Almitec, lui-même sous-traitant d’Alstom pour cette partie du chantier – NDLR) et du dumping social.

Aujourd’hui, entre les problèmes d’étanchéité de la cuve, décelés en avril, et les soupapes de sécurité défectueuses, pointées du doigt par Mediapart la semaine passée, le délai de livraison ne cesse de s’allonger. Le réacteur qui devait être initialement mis en service en 2012 ne le sera pas avant 2017. « On connaît les pratiques de ce chantier de la honte ! tonne maître Berbra. La justice doit faire comprendre aux grandes entreprises que les salariés vont au travail pour gagner leur vie, pas pour la perdre ! »

À la fin de sa plaidoirie, l’avocat a demandé 50 000 euros de dommages et intérêts. Mais rien ne suffira à apaiser le chagrin des proches. La mère de Steeve Lecomte ne peut retenir ses larmes. « Je suis anéantie. Steeve était notre pilier, notre soutien de famille, j’étais tellement fière de sa réussite. Cet argent me permettra de finir de payer sa tombe. » Verdict le 10 septembre.

Article de l'Humanité.

 

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